Paris 2024 : « Tout donner pour être au rendez-vous »

 

A quelques mois du début des Jeux Olympiques de Paris 2024 l'été prochain, Franz FÉLICITE et Vencelas DABAYA, les deux entraîneurs de l'Equipe de France séniors, se sont livrés sur cet événement planétaire que s'apprête à vivre nos athlètes. Alors qu'il ne reste plus que trois compétitions internationales (le Grand Prix II de Doha, les Championnats d’Europe à Sofia et la Coupe du Monde à Phuket) avant le moment crucial, les deux membres du staff ont évoqué sans détour la longue préparation de nos Bleus jusqu'aux Jeux. 

Il reste un peu moins de huit mois avant le début des Jeux Olympiques de Paris 2024. Vous en tant qu’entraîneurs, ressentez-vous cette pression monter ?

F.F : Nous avons la pression depuis longtemps. Après, nous dans notre boulot, nous devons positiver cette pression. Nous parlons des Jeux Olympiques tous les jours et de plus en plus à l'heure actuelle. Nous essayons d'en tirer le maximum de positif. Toutes nos discussions avec les athlètes autour des JO, c'est pour les tirer vers le haut. 

V.D : Nous sommes sur un terrain en pleine construction. Moi j'aborde les choses en faisant face à toutes les incertitudes qui sont liées à la préparation. Je peux avoir quelques doutes rattachés aux blessures qui sont monnaie courante dans la préparation, mais ce n'est pas de la pression. 

Disputer les Jeux à Paris, dans son pays, 100 ans après, est-ce qu’on arrive vraiment à réaliser ?

F.F : Tout le monde ne réalise pas. Les Jeux à Paris, c'est exceptionnel ! Même pour nous en tant qu'entraîneurs c'est indescriptible. Moi je dis aux athlètes que quoiqu'il se passe, ils resteront dans l'histoire. Il ne faut pas louper cette fête, il faut absolument y être avec le meilleur de sa forme. 

V.D : Pour certains c'est quelque chose qui n'est pas palpable, puisqu'ils n'ont jamais fait les Jeux. Moi qui ai déjà eu trois olympiades en tant qu'athlète, ça me parle. Il faut le vivre à fond. Nous travaillons étroitement en équipe pour être vraiment à ce rendez-vous et entrer dans l'histoire. C'est un bel événement qui est unique en son genre. Les Jeux sont présents dans ma vie au quotidien avec toutes les questions qu'on peut me poser dans mon entourage : « Est-ce que vous allez être prêts ? », « Où se déroule l'haltérophilie ? », « Qui peut gagner ? ». 

Est-ce que c’est un sujet qui revient souvent dans vos discussions avec les athlètes ?

F.F : Oui ça revient souvent dans nos discussions parce que nous avons des athlètes qui veulent faire des médailles. Les Jeux, c'est en quelque sorte notre fil rouge. A tous les entraînements nous tentons de maximiser tous les mouvements possibles, avec en tête les Jeux comme objectif final. 

V.D : Parmi nos athlètes, seuls Bernardin et Dora ont déjà participé aux Jeux. Pour les autres, c'est une expérience à vivre. Mais en discuter peut générer du stress, car ça nécessite de parler du facteur des sélections. Nous au quotidien nous leur parlons de l'enjeu, de la préparation, de marquer le coup et d'avoir l'opportunité de remporter une médaille à la maison. C'est une autre manière de parler indirectement des Jeux.

Romain IMADOUCHENE à l'entraînement à l'INSEP.

Les Jeux Olympiques, c’est LA plus belle compétition sportive qui puisse exister, réunissant tous les pays du monde. Comment se préparer au mieux pour vivre cet événement, que ce soit sur l’aspect physique et mental ?

F.F : C'est un événement planétaire ! C'est le moment d'exister et où l'haltérophilie va être au grand jour, parce qu'il s'agit d'un sport un peu confidentiel malgré tout. Nous essayons de monter tous les curseurs sur l'aspect physique, sur l'alimentation, sur les entraînements au niveau technique, et sur la récupération. L'entraînement ce n'est pas seulement dans la salle, ça se passe aussi en dehors. Nous faisons un gros travail là-dessus, en essayant de mettre tous les paramètres possibles au vert. C'est quatre ans de travail pour six essais. C'est toute la magie du sport ! 

V.D : Je citerais une belle phrase qu'on m'a dite lorsque j'étais athlète : « Il faut juste faire ce que tu sais faire, de l'arraché et de l'épaulé-jeté ». Il faut éviter de s'encombrer de tous les parasites qui puissent exister et être dans un bon état de forme physique. Le reste se fait tout simplement. Le seul discours que j'ai est qu'il faut tout donner pour être au rendez-vous. Le louper serait pour moi un échec.  

Est-ce que vous gardez un regard attentif sur les résultats des possibles concurrents de nos Français à Paris l’été prochain ?

F.F : C'est un sport chiffré donc nous regardons les progressions. Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, les jeunes sont au courant de tout ce qui se fait. Il n'y a plus de surprises en haltérophilie, mais nous restons quand même attentifs. L'idée c'est d'être plus fort que nos adversaires à ce moment-là. C'est la sueur que nos athlètes vont lâcher à l'entraînement qui va faire que ! 

V.D : Nous pouvons faire toutes les analyses du monde, observer, faire un constat des adversaires, mais qu'amènent ces analyses pour nos athlètes ? Je dirais que c'est un état d'esprit. Comment l'athlète se positionne face à l'adversité et comment il la vit en lui ? Qu'est-ce que l'athlète est prêt à faire en termes d'investissements à l'entraînement et hors de l'entraînement pour pouvoir aller chercher une médaille ? C'est ça qui va compter. Il est important de ne pas se laisser perturber par des choses que nous ne maîtrisons pas. Nous ne maîtrisons pas la progression de notre adversaire, mais nous maîtrisons ce que nous savons faire. 

Vencelas, toi qui es le dernier français à avoir décroché une médaille dans notre discipline (ndlr : la médaille d'argent aux JO de Pékin en 2008), qu’est-ce que tu essayes d’inculquer aux athlètes pour les guider vers la médaille ? Quel(s) conseil(s) leur donnes-tu au quotidien ?

V.D : Je leur dis de vivre l'événement comme si c'était le dernier de leur vie, même s'il n'y a pas mort d'homme. Comme je disais, le plus important est de faire ce que l'on sait faire, de l'arraché et de l'épaulé-jeté. Il faut réaliser sa meilleure barre, ni plus ni moins. 

Il reste trois grosses échéances avant de passer aux choses sérieuses l’été prochain (Grand Prix II de Doha, Championnat d’Europe à Sofia et la Coupe du Monde à Phuket). Comment jugez-vous l’état d’esprit du collectif en ce moment ?

F.F : Collectivement, tout le monde souhaite aller aux Jeux, même s'ils sont aussi tous adversaires les uns les autres. Ce que je note de positif c'est qu'ils se tirent tous vers le haut. Quand l'un met le kilo de plus, les autres ne peuvent pas faire moins que de le mettre aussi. A nous de faire attention à la blessure. L'ambiance d'entraînement est bonne, j'espère que ça va durer jusqu'au bout. Ils ont tous besoin du groupe pour progresser. 

V.D : La configuration est un peu complexe car il y a des athlètes qui ont plus ou moins un pied dans la qualification pour Paris 2024, et d'autres qui sont en course pour se qualifier. L'ambiance est sereine, ils ont tous à cœur de bien faire individuellement pour être présents. Nous le voyons au quotidien dans les efforts fournis. Il y a une bonne ambiance de travail, ils s'encouragent tous, ils sont dans un bon état d'esprit. J'ai simplement peur que le revers arrive un peu tard pour certains. Plus nous allons avancer, plus la distance va se mettre en place. Maintenant c'est de savoir comment est-ce que nous en tant qu'entraîneurs nous allons pouvoir gérer ces moments de stress.

Seulement Garance, Redon, Brandon, Anthony et Bernardin feront le voyage au Qatar pour disputer la prochaine compétition internationale (du 4 au 14 décembre), l'IWF Grand Prix II de Doha. Quelles sont vos attentes sur ce déplacement ?

F.F : Nos attentes sont d'aller chercher un maximum d'essais en démarrant sur des barres lourdes, ce qui nous donnera une bonne vision en vue des Championnats d'Europe en février prochain à Sofia (BUL). Ils vont jouer une grosse carte individuelle durant cette compétition et Doha va justement les préparer à ça. 

V.D : Cette compétition pour nous dans notre calendrier fait office de participation. Garance est dans un réel projet de réaliser une grosse performance, tandis que les autres participent pour remplir les conditions d'éligibilité pour les qualifications aux Jeux Olympiques. 

Garance RIGAUD lors des Championnats du Monde à Riyad en septembre 2023. 

A Riyad aux Championnats du Monde, Marie Josèphe avait évoqué un retour à la compétition pour le mois d’avril, pour la Coupe du Monde à Phuket. Comment se passe sa remise en forme ?

F.F : Ça avance tranquillement. Nous sommes obligés de retenir Marie Josèphe, parce que si elle s'écoute elle va vouloir revenir beaucoup plus vite qu'elle ne le devrait. Pour l'instant nous privilégions encore les soins par rapport à l'entraînement. Elle ne reviendra pas avant la Coupe du Monde. L'idée est qu'elle soit apte à faire des bonnes barres en Thaïlande. Le chemin est difficile, mais ça va le faire. 

V.D : Nous discutons énormément avec Franz par rapport à nos stratégies, dans notre approche en ce qui concerne l'entraînement. Nous sommes dans un état de prudence avec Marie Josèphe pour sa reprise. Nous passerons ensuite à la vitesse supérieure au moment venu. 

Marie Josèphe FEGUE, triple championne d'Europe à Erevan en avril 2023.

Nous avons également une pensée très fort pour Anthony, qui vit actuellement une étape difficile avec la récente disparition de sa maman. Est-ce que vous avez un message à lui transmettre ?

F.F : Anthony a eu la bonne attitude et j'espère qu'il ira jusqu'au bout. Sa mère le suivait et le suit toujours. Le sport c'est un défouloir. Comme dans les joies et comme dans les peines, ça lui permet aussi d'extérioriser. C'est un événement qu'on ne souhaite à personne et qui est terrible. A un moment donné on ne peut pas tout garder à l'intérieur de soi et le sport aide à tout faire sortir. Nous sommes là pour le soutenir et le pousser à atteindre son objectif. 

V.D : Le projet de qualification olympique, c'est son bébé. Là avec les événements qu'il a vécu tout récemment, il nous a montré qu'il est vraiment dans un projet de se qualifier aux Jeux Olympiques. Ce qu'il a vécu est assez fort, mais il a pu retrouver des ressources pour accompagner son équipe au Championnat de France des Clubs (ndlr : le Haltérophilie EEAR Monteux). Je reste très admiratif de sa motivation à pouvoir garder le cap dans ce moment difficile. J'en profite pour renouveler mes condoléances à son égard. Il peut compter sur nous et toute l'équipe est présente pour le soutenir. Dès son retour, nous échangerons longuement pour savoir le dispositif que nous pouvons mettre en place pour l'accompagner dans son deuil. 

Anthony COULLET lors des Championnats du Monde à Riyad en septembre 2023. 

L’esprit d’équipe est un facteur essentiel pour réussir à performer. Vous ressentez cette solidarité à l’entraînement ?

F.F : L'esprit d'équipe a été de plus en plus fort. Pour moi, nous avons vraiment vu une équipe lors des derniers Championnats du Monde à Riyad, nous avons vu l'Equipe de France. Ils se sont tous soutenus. A tous les plateaux, ils s'encourageaient les uns les autres. C'était sincère et ils ont fait corps. Depuis le temps que j'entraîne, j'ai rarement vu ça en haltérophilie. Nous devons faire en sorte que cet esprit d'équipe perdure à l'entraînement. 

V.D : C'est un travail de longue haleine que la Direction Technique Nationale a mis en place depuis quelques années. Nous mettons en place beaucoup de petits moments de convivialité pour pouvoir faire comprendre aux athlètes que le respect est important. La performance c'est bien, mais être dans un cadre où on a du respect envers son prochain, c'est encore mieux. Cela permet à tout le monde de progresser dans un environnement où il y a du sourire et où tout est sain. 

Pour conclure, quels seraient vos derniers mots aujourd’hui pour lancer le compte à rebours avant les JO ?

F.F : On ne regarde plus derrière, maintenant c'est devant que ça se passe ! Il reste peu de temps. Il faut maximiser tout ce que nous pouvons et faire attention à plein de choses pour arriver à être bien le jour J. Cela demande une très grande concentration. 

V.D : Un seul mot : continuer. Continuer à travailler, ne pas se mettre de pression particulière. 

La dernière ligne droite vers Paris 2024 est lancée !

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